Le «Rakb» ou le pèlerinage des B’ni Far’hau mausolée de Sidi Ahmed Benyoucef.Le soir.
Comme à chaque année à pareille époque, les 21, 22 et 23 mai, la ville de Miliana, où est enterré le saint tutélaire de la ville Sidi Ahmed Benyoucef, a vécu, ces 3 derniers jours, l’une des manifestations culturelles à caractère religieux des plus importantes, après celle du Mawlid Ennabaoui Echarif.
Le «Rakb», une sorte de pèlerinage collectif, est une longue procession avec des porte «sendjaks» (étendards), en identifiants des différentes localités et un groupe de cavaliers ouvrant la marche lançant de temps à autre des salves de baroud.
Les participants ou pèlerins, adeptes et zouars (visiteurs) venus de toutes les localités installées sur les versants nord et sud du mont Zaccar commencent à converger vers le douar B’Da, dans la commune de Arib, où ils se regroupent et passent la nuit autour d’un bivouac, la veille du départ en direction de Miliana où la procession est attendue, pendant des heures le lendemain, par une foule d’autres adeptes que des groupes jouant de la flûte, du bendir, la ghaïta et exécutant le «jdib» (danse extatique) comme savent le faire les «Amraoua» à l’entrée de la ville, selon une vieille tradition qui remonte à des siècles, et qui s’est perpétuée jusqu'à nos jours, ne connaissant que de rares interruptions.
A l’arrivée de la procession, une liesse s’empare de la foule des arrivants et des hôtes (Milianais) qui les accueillent. Tout au long du parcours de l’entrée ouest de la commune jusqu’au cœur de la ville où se trouve le mausolée, les youyous répondent aux salves d’honneur, tirées par les cavaliers, parés de tenues chamarrées de fils dorés.
Qui est Sidi Ahmed Benyoucef ? Selon certains commentateurs et chercheurs, «Sidi Ahmed Benyoucef er-Rachidi naquit, selon la plupart des sources écrites, à la Kalaâ des Béni-Rachid, près de Mascara, dans le second tiers du XVe siècle. Son père s'appelait Mohammed.
Youcef serait le nom de son bisaïeul. Selon certains, il serait né au Gourara où s'élève la qoubba de Sidi Mançour qui serait son père. Venu à la Qalaâ, il aurait été adopté et élevé par un Youcef er-Rachidi». On ajoute qu’il fit des études à Béjaïa où il a étudié auprès de son maître Cheikh Ahmed Zerrouk el Barnoussi mort à Tripoli en 1494 qui en fit un adepte de la confrérie mystique Echadhilya, dont la voie spirituelle est basée moins sur les pénitences et les mortifications, que sur l'abnégation intégrale, le pur amour désintéressé, le renoncement même aux faveurs et suavités spirituelles.
Il parlait, dit-on, la langue arabe mais aussi le zénète (znatia) et qu’il était issu d’une famille d’origine zénète du Maroc.
On rapporte aussi qu’il avait passé sa vie en voyages dans le Maghreb moyen et le Sud-oranais et qu’il avait eu des démêlés avec les souverains abdellaouadites de Tlemcen et qu’il était bienveillant à l’égard des Turcs qui prenaient pied en Algérie en 1517.
On rapporte aussi qu’à cause de ses démêlés avec les derniers représentants de la dynastie zénète en décadence, Sidi Ahmed s'était d'abord réfugié à Hillil pour se cacher des émirs tlemcéniens. On le retrouve dans la vallée du Chéliff, puis à Mazagran, à Tlemcen, où il échappe, dit-on, miraculeusement au bûcher, et où il est emprisonné par l'émir Abou Hammou.
Sidi Ahmed Benyoucef mourut en voyage, l'année 931 de l'hégire, 1524 de l'ère chrétienne. Selon ses dernières volontés, comme le rapportent de nombreuses légendes hagiographiques, le cadavre, lavé dans la daïra d’El Amra, à l'ouest du Zaccar, fut placé sur une mule pour être enterré là où elle s'arrêterait : ce fut à l'entrée de Miliana.
A Miliana, de nombreuses familles se prévalent, à coups d’arbres généalogiques, être de la descendance de Sidi Ahmed Benyoucef. Une descendance que nos historiens ont le devoir de clarifier par des recherches méthodiques, méthodologiques et scientifiques qui ne pourront que revaloriser notre patrimoine, social, culturel et historique et authentifier, confirmer ou infirmer les nombreuses allégations sur le saint tutélaire de la ville de Miliana.
Quels sont alors la signification et l’impact sociologique de la tenue de cette manifestation ? Il y a alors lieu de citer que le Rakb constitue un moment de concorde entre les différentes tribus, un espace de rencontre, un moyen de perpétuer la tradition, une occasion d’aplanir les différends tribaux, une occasion d’entraide et de solidarités sociales par des actes de bienfaisance en direction des démunis au moyen des «taââm» (méga-couscous empreints de baraka.
Jeudi, après deux jours de liesse et de joie (farh) les beni Farh se sont séparés et sont retournés dans leurs localités respectives avec la conscience d’avoir accompli un acte de foi, de religiosité, en se promettant de faire autant sinon mieux le mois de mai prochain et tous les autres «Rakb» qui suivront.
On signalera aussi que cette manifestation et ses pratiques, surtout, ne cesse d’être remise en cause par plusieurs courants dits réformistes.