Taourirt N'Tidits (3e partie)
Résumé de la 2e partie n Pour venger leur frère, les aït Mansour sont à la poursuite de Amar Amzian, l'invité de la femme de El-Hadj Amrouch qui les menace d'ameuter tout le village, s'ils touchent le moindre cheveu de son hôte...
Là-dessus, elle ferma, sans précipitation, la porte, sans s'inquiéter davantage des Aït Yahia. Elle se retourna vers Amar Amzian et dit :
— Repose en paix sur le banc, mon hôte ; je vais t'apporter le repas et mon fils, bien qu'il n'ait que six ans, essayera de remplacer son père et sera à ta disposition pour te servir.
Elle rentra dans la cour, et la chienne, comme comprenant qu'elle avait mission de défendre l'hôte envoyé par Dieu, se coucha entre les battants de la porte de la rue. Le repas fut bientôt achevé et les femmes s'étant enfermées dans une des chambres, Amar Amzian put dormir, en pleine sécurité, protégé par l'honneur d'El-Hadj Amrouch. Avant le jour Fatima prit une galette de blé mélangé d'orge et des figues sèches
— Mon hôte, dit-elle, tes ennemis sont partis, tu peux t'éloigner sans crainte sous la garde de Dieu.
— Femme, dit Amar, je n'oublierai point que tu m'as sauvé la vie : ton mari a un fils en moi et mes enfants lui appartiennent. Mais la vengeance des Aït Yahia est encore suspendue sur ma tête, elle saura m'atteindre avant mon retour dans mon pays si je n'ai pas l'anaïa (protection) de ton mari. Que dois-je faire ? Ne peux-tu me donner toi-même cette anaïa et un gage qui la fasse reconnaître ? Personne n'osera ainsi attenter à ma vie et à la horma (l'honneur) d'El-Hadj Amrouch.
— L'anaïa est la montagne de feu, dit sentencieusement Fatima, il n'appartient pas à une faible femme d'en disposer ; mais, en cette circonstance, je pense que le maître m'approuvera. Pars la tête haute, je te donne l'anaïa d'El-Amrouch de Taourirt. Voilà sa chienne M'kabra ; elle sera le gage qui te fera respecter, tout le monde sait qu'elle appartient à notre maison et connaît sa force et sa fidélité. Attache-la avec cette corde en poils de chèvre, elle te suivra. Quand tu seras à Djemâa Saharidj, détache-la, elle reviendra ici d'elle-même.
Amar, se baissant, prit sa barbe de la main droite et portant à sa bouche l'extrémité de la ceinture de Fatima :
— Je te jure, ô femme, que ta générosité ne sera point sans profit pour ta maison, dussé-je vendre mon bien et mes enfants, je te récompenserai et tu deviendras l'égale des plus riches de la tribu.
— Le salut soit avec toi, dit Fatima. Allons, M'kabra, suis l'hôte du maître et garde-le de la rekba. (à suivre...)